Mal en prendrait au touriste qui s’aviserait de passer ses vacances en Provence, sans mettre dans sa valise, des boules Quies ou tout autre procédé, afin de s’isoler du bruit environnant. C’est qu’en Provence, ne fait pas la sieste qui veut, non plus que la grasse matinée d’ailleurs, peuchère.
Vous me direz qu’en Provence, le bruit qu’on y entend par les chaudes nuits jusqu'à une heure avancée, ou bien les jours d’été, lorsque ce coquin de soleil s’étire à n’en plus finir, qu’il en envoi ses rayons à des kilomètres à la ronde, n’a rien à voir avec le bruit qu’on entend dans les grandes villes. Certes oui, vous auriez raison, cependant avez-vous déjà entendu le bruit que font les cigales ?
Non ! alors vous ne pouvez pas comprendre ! Ce n’est pas un bruit anodin, non Monsieur, mais un bruit fait par des bataillons d’ouvrières qui ne font qu’accomplir une mission de la plus haute importance, parfaitement, c’est comme je vous le dis.
On dit, mais que ne dit-on pas et particulièrement dans le midi, que ce coquin de Mistral il y a bien longtemps, mais aujourd’hui encore, se promenait du massif du Lubéron au massif des Alpilles, de la plaine de Crau jusqu’à la Camargue, desséchant toutes les terres au passage.
Quelle ne fut pas la stupeur des Anges, envoyés en inspection, ne trouvant âme qui vive et toutes ces terres à l’abandon. Ame qui vive cela n’était qu’une vision un peu rapide de la chose, car se posant sur des pins pour reprendre souffle, c’est avec consternation qu’ils découvrirent au pied de ces arbres, des dormeurs qui ronflaient à qui mieux mieux.
Les anges retournèrent déconfits rendre compte à Dieu, de cet état de fait. Après une grande concertation, il fut décidé de créer un insecte qu’on nommerait Abeille Cigale et qui aurait pour tâche avec ses ailes, d’exécuter une musique suffisamment forte pour empêcher les gens du coin de dormir exagérément au détriment du travail à accomplir.
Et c’est ainsi que petit à petit après leur arrivée, on vit fleurir la lavande sur les collines que les abeilles butinent pour parfumer un excellent miel. C’est ainsi, que furent remis en état et en fonction, roubines et moulins, que les terres furent labourées, que les oliviers verdoyants envahirent les terrains précédemment en friches. Les troupeaux de brebis purent enfin brouter l’herbe entre les caillasses de la plaine de Crau et le riz poussa en Camargue.
Oui Monsieur, c’est comme je vous le dis, la Provence retrouva sa prospérité, grâce aux abeilles cigales, mais je ne saurais trop inviter le touriste qui vient s’y reposer de prendre ses précautions.