Poisson ou Piscis ?

29.06.2018

M’âme Églantine s’en est revenue un peu déconfite ce matin du marché, il y avait plus de touristes que de copines avec qui discuter en ce début des vacances. En fait, elle a eu beau s’attarder autour des étals, point d’âme de commère à l’horizon. Elle a bien essayé de nouer causette avec les maraîchers, ces derniers avaient mieux à faire, occupés à vendre leurs produits que de discutailler ne serait-ce que sur la pluie et le beau temps. Le sourire était commercial mais il ne fallait par leur en demander plus, compte tenu des chalands attirés par les primeurs.

L’arrêt au kiosque à journaux ne lui apporta pas plus de satisfaction. Son amie Madeleine qui était une source inépuisable de potins locaux, a vendu son commerce et ce n’est pas son remplaçant qui se prête pour le moment à des échanges de confidences. Il faudra bien du temps sans doute pour l’amadouer.

- Madeleine, c’est elle qui m’a alerté sur la parfumerie en face du kiosque, elle y avait une vue directe et il s’en passait parait-il de belles…enfin c’est ce qu’elle me disait, moi je n’ai jamais rien vu. Il parait, que quelqu’un qui a pignon sur rue…et bien c’est avec sa maîtresse qu’il venait, pas avec sa femme ! Moi toujours motus et bouche cousue vous pensez bien… je n’en ai pas parlé, enfin si, à M’âme Hortense, après tout puisque il ne s’en cache pas !

Bref, M’âme Eglantine est d’humeur morose et à défaut de nouvelles locales elle se plonge dans son quotidien ce qui fait bien l’affaire d’Horace qui rêvasse à sa petite copine. Le silence ne dur jamais longtemps dans la maison :

- Horaaaaace ! tu te rends compte…je crois rêver !

- C’était trop beau ! Qu’est ce qu’il y a encore ?

- Il y a…il y a…qu’on marche sur la tête !

- On marche sur la tête ? pourquoi la terre a basculé sens dessus dessous ?

- Arrête de faire l’idiot ! Tu as déjà entendu parler des directives européennes ?

- Vaguement, très vaguement à vrai dire et alors…

- Figure -toi que des pêcheurs marseillais du Vieux port à Marseille ont été verbalisés pour ne pas avoir affiché le nom du poisson qu'il vendait, en latin !

- Peuchère c’est une galéjade que vous me racontez là ?

- Inutile de prendre l’accent marseillais il ne te va pas bien, non ce n’est pas une galéjade mais une réalité !

- J’avais déjà entendu dire qu’une sardine avait bouché le Vieux Port mais là vous me la baillez belle …le nom en latin des poissons vous êtes sûre ?

- Oui je suis sure ! quant à la sardine tu penses bien que ce n’était pas un poisson mais le nom d’un bateau, bêta !

- Si on ne peut plus plaisanter maintenant ! Et alors les poissonniers on leur a donné des cours pour apprendre le latin ?

- Avec toi difficile de savoir si tu plaisantes ou pas …je ne sais pas moi ce qu’on leur a donné ! Non mais tu t’imagines, les barques qui arrivent le soir ou le matin de bonne heure sur le port, est ce que tu t’imagines qu’ils ont envie de marquer le nom des poissons en plus du français, en latin ! Lorsque je vais raconter ça à M’âme Joseph elle ne va pas me croire !

- Heu vous croyez qu’elle va y comprendre quelque chose ?

- Tu as peut-être raison, c’est qu’elle n’est pas trop futée …enfin ce n’est pas que je veuille la critiquer mais est ce qu’elle sait au moins ce que le mot latin veut dire ? Cette pauvre M’âme Joseph quand même…elle devait être la dernière de sa classe sans doute…quand on l’entend parler je me dis que ses parents n’ont pas du s’occuper beaucoup d’elle …

- Mais enfin vous n’en savez rien ! Moi j’ai entendu dire qu’elle avait fait des études supérieures …oui supérieures !

- Horace tu dérailles ! M’âme Joseph …des études supérieures ? À part critiquer les uns et les autres tu ne l’entends jamais rien dire d’autres…

- Et vous vous faites quoi à part critiquer ? là c’est moi qui rêve mais il vaut mieux que je reste prudent dans mes propos, inutile de l’énerver ! Vous savez ce que j’en dis-moi …mais il y en a d’autres qui critiquent !

- Écoute on arrête là notre discussion…des études supérieures vraiment ? Demain il faut que j’en ai le cœur net ! J’ai à faire.

- Ça m’arrange aussi ! alors à demain !