Adrian est né en Camargue – vaste étendue plate, à l’intérieur du Delta du Rhône où se mêlent l’eau du fleuve et de la mer, eau douce et eau salée qui s’affrontent –, dans un mas où ses parents cultivaient, le riz en alternance avec la culture de blé dur ou autres cultures maraîchères. La riziculture est devenue vite indispensable dans cette contrée en jouant un rôle important sur la baisse de la salinité des sols avec les circuits d’eau douce qui aident aussi à façonner le paysage. Adrian évoquait parfois avec amusement, son ébahissement dans son jeune âge de voir tout d’un coup des petites et fragiles pointes vertes émerger dans les champs noyés.
Le domaine, situé à l’intérieur des terres, protégé de toute agitation urbaine, s’étend sur une grande surface, entre marais et lagunes. Le Rhône, quant à lui, en tant que grand fleuve, y déverse ses eaux, formant ainsi des zones humides, et fertilise la terre. De quelque côté que l’on se tourne, le regard s’échappe en toute liberté pour se perdre à l’infini vers l’horizon, entre terre et eau, sous le soleil et le vent. Chevaux et taureaux y vivent en grande liberté, pendant que les flamants roses et autres oiseaux s’approprient les étangs et les lagunes. Parfois, ils trouvent refuge dans les Marais Salants d’Aigues Mortes.
La vie dans cet environnement varié plaisait à Adrian, lui qui adorait partir pour de longues chevauchées à la découverte d’une Camargue si changeante suivant les saisons, et qui renferme une végétation généreuse et diverse. Alors que les plantes, sous la montée des eaux, s’épanouissent au printemps, que les roubines vertes débordent, la terre qui s’est gorgée à plus soif pendant la même saison, se dessèche à l’été se craquelant sous le soleil et le mistral. Dans les dunes, le chardon[1] y retient le sable en le teintant d’une note bleue à la saison estivale. Ce sont les premières pluies de l’automne qui abreuveront les étangs devenus arides et redonneront vie au sol.
Malgré cette passion, il n’était pas question pour Adrian de prendre la suite dans l’exploitation familiale. Aussi, c’est très heureux qu’il avait vu son grand frère s’y passionner et se préparer à prendre le relais de leurs parents, lorsque serait venu le temps de leur retraite. À la fin de ses études, et après avoir obtenu son diplôme de Master spécialisé Finances – avant d’entrer dans la vie professionnelle –, Adrian, avec deux de ses amis, était parti découvrir la Bretagne.
L’envie de découvrir les richesses d’une région qu’il ne connaissait pas se complétait du plaisir de découvrir l’Océan et la Manche, avec leurs mouvements de va-et-vient, mers différentes de la Méditerranée qui ne connaît pas les marées. Son séjour s’était prolongé, non pas à cause de la région qu’il appréciait pourtant, mais d’un coup de foudre qui n’avait pas été planifié dans l’organisation du voyage.
Après des vacances un peu plus longues que celles programmées, Adrian était retourné dans le sud de la France espérant voir Solenn – son coup de cœur – venir à son tour en Provence. Il s’écoulera un an environ avant qu’ils ne se retrouvent, et qu’à son tour elle succombe au charme des lieux, acceptant ainsi d’y partager sa vie avec lui.
Sur l’exploitation ont été bâties trois constructions d’habitations, isolées les unes des autres. À la majorité d’Adrian, il lui a été attribué une des bâtisses dans le domaine, un peu à l’écart, mais qu’il n’occupera qu’à l’arrivée de Solenn. C’est là qu’ils vécurent tous deux après leur mariage, proches de la famille, et toutefois indépendants.
Solenn n’oublie pas sa Bretagne, cependant elle est fascinée depuis son arrivée par l’aspect qu’on pourrait croire sauvage de cette contrée. Bien moins sauvage, que l’illusion qu’elle donne, car l’homme y a mis son empreinte, et s’est accordé avec la particularité de la Camargue, à l’égal des manadiers, gardians, riziculteurs et d’autres activités encore. Leur vie de couple commence heureuse, et sous les meilleurs présages. Pendant qu’Adrian occupe ses nouvelles fonctions, Solenn consacre une grande partie de ses journées à la peinture, parcourant la Camargue dépaysante, pour des découvertes toujours nouvelles.
Ce samedi-là, comme beaucoup d’autres, alors que Solenn se rend au marché d’Arles, Adrian part faire une promenade à cheval. Elle est de retour avant lui, chose assez rare. Les heures passent et l’inquiétude au sein de la famille grandit. C’est en tout début d’après-midi que son cheval revient, mal en point et sans son cavalier.
Matias, le frère aîné donne alors l’alerte en sonnant la cloche de la petite chapelle. De mas en mas, de manade en manade, la nouvelle d’un problème sérieux chez l’un d’eux se propage. Les rassemblements se font un peu partout pour aller à la recherche d’Adrian. Solenn ne saurait rester à attendre, elle a fait au fil des ans de longues chevauchées avec son mari, elle connaît ses promenades de prédilection le long du Petit-Rhône, elle se joint au groupe qui part du mas.
C’est en fin d’après-midi qu’Adrian sera retrouvé sans vie. Dans un premier temps, il est envisagé l’hypothèse d’une mauvaise rencontre. Cependant, compte tenu de la découverte, pas très loin de là, d’une clôture d’enclos qui aurait cédé, l’enquête retiendra ce qui semble le plus plausible, une lutte entre plusieurs taureaux adultes. L’un deux ayant pu attaquer Adrian, plusieurs coups étant constaté au niveau du thorax, et ceci après avoir blessé son cheval.
Solenn a vécu son enterrement et tout ce qui suivra dans un état second. Quelques mois passèrent ainsi, jusqu’au constat qu’elle ne pouvait continuer à vivre dans cette Camargue qu’elle avait tant aimé, et qu’elle abhorrait maintenant.
C’est alors dans leur grotte près de Saint-Chamas, qu’elle décide de trouver refuge.
coucou coucou<br />
Bonjour,<br />
comme je ne sais pas si tu vas recevoir ma newsletters je passe faire un coucou au revoir pour quelque temps voir article https://envie2.be/information-importante/<br />
Bisous bien amicaux, Renée
Ton roman aborde bien des aspects de la vie... et j'ai adoré.<br />
Triste, parfois, mais gai aussi, plein de questions, mais aussi des réponses à trouver.<br />
Bravo et merci pour cet extrait.
Tu sais, je suis heureuse lorsque tu aimes :-) . En écrivant, j'avais l'impression que je faisais comme Vincent, que peut-être ce serait le dernier...mais peut-être que je ferais aussi comme Vincent et que je changerai d'avis ! Les années comment à peser sur les épaules ...bisous du soir
M
manou
22/11/2021 16:22
Un très bel extrait qui me touche, en plus les lieux me parlent...mais il est triste. Bisous et merci pour ce partage
Promis, juré, je crois que c'est le seul triste :-) enfin je crois<br />
bisous
P
pimprenelle
21/11/2021 19:19
Peut-être un jour lirai-je l'histoire dans son entièreté. Si mes yeux veulent bien.<br />
En tous cas, j'ai beaucoup aimé ce passage.<br />
Très belle description.<br />
Bisous Eglantine et bonne soirée
ce chapitre étant une exception :-) à mes écrits en général ...bises
Z
ZAZA
20/11/2021 10:21
C'est une histoire bien triste Monique, et Solenn, cette petite betonne, restera fidèle à la mémoire de son Adrian, en restant vivre en Provence-Alpes-Côte d'Azur<br />
Bisous, bisous
tu as raison , ce chapitre est triste mais j'en avais besoin pour la suite de l'histoire :-) Solenn ne pouvait pas avoir d'amant du vivant de son mari, je l'ai imaginé ....intègre en quelque sorte ...<br />
bisous