Elle se sent transportée dans un autre monde, dans une autre dimension, là où s’efface le temps et où les rêves rejoignent la réalité. Son miroir est là devant elle, intact. À travers le verre épais de la vitrine reflétant les scènes de la rue, il l’appelle, elle ne le quitte pas des yeux, de peur que le charme ne se rompe.
Elle l’interroge, il lui renvoie sa propre image. Puis la surface se trouble et apparaissent des femmes, pâles souvenirs déjà trop lointains, vieilles photos jaunies, personnages nés de l’imagination d’une enfant à la recherche d’elle-même : jeunes femmes des années trente, cheveux courts, expertes en valse et en charleston, aïeules aux cheveux plaqués et chignon serré.Les images se brouillent, à nouveau, pour faire place à des silhouettes d’ancêtres encore plus lointaines, vêtues de longues robes et portant, sous le soleil, enfants et cruches ...
Un bruit de klaxon et la surface du miroir devient lisse, froide et limpide comme l’eau d’un lac.
Encore sous le charme elle fait machinalement demi tour, traverse rapidement la rue. Un hurlement de freins ! ... un choc ! ... une sensation étrange de ralenti, des cris, des appels, des gens qui accourent. Elle se relève mais n’attire l’attention de personne. Elle s’éloigne. Un groupe d’hommes est penché au-dessus d’un corps allongé au milieu de la chaussée. Elle se dirige vers le magasin d’antiquités dont la porte est ouverte, y entre, errant comme une âme en peine, se dirige vers le miroir, le traverse et disparaît de l’autre côté, à tout jamais.
Anne
Nouvelle 2000-2021
27-09-2021