Nous avions quitté Paris en pleine guerre pour nous réfugier en Corse dans le petit village natal de mon père. La petite parisienne de l’époque, qui était arrivée, gantée, chapeautée, malgré son jeune âge, s’était vite transformée en petite sauvageonne, s’intégrant sans peine aux enfants du village, courant par-ci, par là, sous l’œil discret toutefois des adultes.
Nous étions des moineaux insouciants pendant le temps des vacances. Les pommiers des jardins familiaux, nous offraient de quoi croquer à gourmandise, à moins que nous n’allions grappiller, le raisin restant après les vendanges, les baies dans les sentiers.
À cette époque, c’est en octobre que l’école du village nous accueillait. Elle était située au rez-de-chaussée d’une grande maison, et où la maîtresse logeait aux étages supérieurs. La salle de classe était une seule grande pièce où se répartissaient les différents cycles, ce qui faisait que nous ne nous quittions pas en changeant de section.
Il me reste en mémoire, une date du 3 octobre, sans doute la rentrée qui a dû me marquer un peu plus que les autres.
Outre nos chapardages bien innocents, c’était le mois où les noix murissaient sous une belle couche de brou. Comment y résister ! C’est à quelques jours de la rentrée que nous avons eu la bonne idée, d’aller voir si les noix étaient mûres sous le brou qui les enveloppaient.
Notre institutrice, une grande femme, du style plutôt sévère, avait par habitude, de vérifier chaque matin, la propreté des mains. Quelle belle surprise ce jour-là de découvrir, celles plus que brunies par le brou de noix, des cinq ou six enfants, de la plus grande section ! Certes, les lavages avaient été nombreux, mais plus encore tenace, la teinture dont était parées les mains de ses élèves !
Exceptionnellement, pas de punition, mais une « rentrée » qui commença par une « Leçon de chose », sur le noyer et ses composants !
Après l’école primaire, avec le côté positif de l’école du village et sa classe unique où chaque élève bénéficiait de l’enseignement de tous, est venu le temps de la sixième, avec l’examen d’entrée, en vigueur à mon époque.
Nous étions à l’après-guerre, mais la vie n’avait pas retrouvé un rythme facile. Quitter le village pour aller à la ville et surtout quitter les jupons de ma mère m’angoissait énormément, et plus encore pour passer un examen scolaire ! Ma mère m’accompagna à Bastia où vivait maintenant ma sœur aînée avec son mari et sa fille. L’appartement, situé en centre-ville, n’était pas très éloigné du Collège de jeunes filles. Nous n’étions pas encore à la mixité, filles et garçons. De l’une des pièces, la vue était directe sur ce grand bâtiment.
Le matin auquel je devais m’y rendre, la peur, m’a rendu malade à en vomir la bile et je crois bien que ma mère était prête à me garder à la maison, sans réfléchir sur l’instant, à ce qui pourrait se passer ensuite ! Il en était tout à fait autrement, de ma sœur aînée, une seconde mère pour moi tout au long de sa vie, compte tenu de notre différente d’âge. Après m’avoir fait boire une tisane de laurier, (l’horreur !), elle nous prit « en charge », ma mère et moi, pour nous rendre au collège.
L’image qui m’en reste encore, c’est un escalier monumental, où se croisait une jeunesse de tous âges, une salle qui me semblait immense, et tout d’un coup le calme revient, je ne ressens plus aucune peur.
Alors, que toutes les têtes sont penchées, encore en train de travailler, je me lève et je rends ma copie. L’examinateur me regarde perplexe, me demande si je suis sûre de vouloir la rendre, je lui dis que j’ai fini et il me laisse sortir.
Ma mère et ma sœur, qui m’attendent dans une cour vide à ce moment-là, sont affolées de me voir sortir sitôt ! Je suis détendue et je les rassure. Ce en quoi j’avais raison, puisque je fus reçue brillamment...
Certaines images qui me restent de toutes ces années où je monterais et descendrais cet escalier monumental, à moult reprises, ce sont, nos tenues en blouse bleu clair, les socquettes blanches ! Mon premier professeur d’anglais et son « Repeat ! », Madame Vinciguerra, un professeur d'italien, mes professeurs de français qui m’ont tous donné le plaisir des mots et la découverte de nos auteurs classiques, incontournables à jamais. Et bien d’autres encore, dont les visages sont encore présents, à défaut de noms qui je l’avoue m’échappe pour certains.
Sourire...pour répondre à Manou, là ce sont mes soeurs, je n'étais pas encore née, mais c'était même hors cérémonie.
Quelle belle note tu as fait avec tes souvenirs anciens, j'adore la façon dont tu racontes. Je suis entrée au collège en 1963, je n'ai donc pas les mêmes souvenirs. De Paris à la Corse, tu as fait un grand bond mais obligé avec la guerre. Bonne fin de journée ! (je passe quelquefois te lire sans mettre de commentaire, même si parfois et rarement j'en mets).
Examen d'entrée moi aussi. Je crois avoir pleuré parce que j'avais fait une faute d'accent, la seule !<br />
J'étais en lycée mixte pour la 6ème. C'est amusant car, de temps den temps j'écris un peu (pour moi) et j'ai écrit sur ce moment tellement important.<br />
Mes fils ont eu la classe unique eux aussi. Mais moi non car nous habitions en ville.<br />
Gros bisous Eglantine. Je crois que j'aurai du mal à dire Monique en dehors des conversations privées.
Contente de te lire ce matin ! De très beaux souvenirs, émouvants. Tu étais bien mieux en Corse qu'à Paris, c'est certain pendant ces années-là. Je n'ai jamais eu besoin de passer un examen d'entrée en 6° mais mon frère oui...par contre je ne savais pas qu'à Paris les petites filles étaient gantées et chapeautées comme des dames. Tu me l'apprends. Bisous et à bientôt j'espère
De magnifiques souvenirs de cette rentrée d'autrefois ou la vie dans les villages etait si belle pour les enfants. <br />
Cet escalier monumental dont tu parles me fait penser au lycee Marboeuf oû l'on descendait des villages pour passer les examens<br />
J'y ai passe le" brevet " Bises
C'était à l'époque, Collège de jeunes filles, bd Giraud, jusqu'au bac quand même et Marboeuf le Lycée de garçons… Depuis cela a dû bien changer !
J
Josette
28/09/2023 16:04
la rentrée en octobre alors que les journées deviennent si courtes....les blouses et les socquettes ...<br />
que de bons souvenirs tu partages M'dame Églantine !
Merci pour tes souvenirs d'une période que tu décris avec beaucoup de talent . Même blouse bleu clair en ce qui me concerne mais point de socquettes blanches et le nom brodé au point de croix .<br />
Contente de te relire <br />
Bonne journée <br />
Bises
Que de doux souvenirs remonte a ta mémoire, même si, parfois certains ne le furent pas tu as su garder les meilleurs et nous les offrir en partage. Merci.<br />
Merci surtout de reprendre un peu le blog en espérant très fort que maintenant tu te sens assez bien pour que ce soit un peu plus souvent, même si ce n'est pas chaque jour. <br />
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Horace va-t-il t'y inciter? <br />
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Ou Mme Eglantine a t-elle fait le plein de commérage croustillant à n'en plus tenir sa langue? <br />
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On verra..................L'espoir fais vivre dit-on! Gros Gros bisous
Bonjour Monique, ah c'est une période qui marque, notre enfance, l'école, la, les rentrées, comment oublier n'est-ce pas... En secondaire c'est ma prof de français qui avec son heure de rédaction m'a fait aimer l'écriture ;-) merci, bises jill
Contente de te retrouver dans cette remontée du temps... J'ai découvert le plaisir des mots, de la lecture, dès que j'ai su tenir un porte-plume et lire une phrase complète, très tôt donc ! Et bien plus tard, j'ai connue la joie d'avoir comme professeure une poétesse alors reconnue que je vénérais. Pour moi la blouse c'était "semaine beige" et "semaine bleue"... Et en suivant mes parents, j'ai fréquenté beaucoup d'écoles et du coup n'ai pas eu de fidèles camarades de classe avant le lycée. Bisous petite Eglantine !
Ce sont des souvenirs importants.<br />
J'ai aimé ta façon de les raconter, Merci de les avoir partagés de si belle façon.<br />
Merci pour tout cela.<br />
Je t'embrasse fort.