Nous avions arrêtés nos dates pour une semaine de détente au printemps et nous si étions d’accord sur la période, là où les choses devenaient plus compliquées c’était le choix du lieu. De parents corses maintenant disparus, je vivais sur le continent depuis de très nombreuses années, en fait depuis mon mariage. Plus les années passaient et plus j’avais besoin de me ressourcer à mes racines.
Il en était différemment pour mon mari continental convaincu, mais je me disais qu’un petit chantage affectif pourrait peut être le faire accéder à mes souhaits. Excédée par son refus persistant, je le menaçai de partir seule en Corse puisqu’il ne voulait pas m’y accompagner, ignorant à ce moment-là que je pourrai peut être m’en mordre les doigts.
Son argument un peu récurent était que j’allais retrouver « ma mafia » entendez par là ma famille et les amis de ma jeunesse. Lui, le « pinzutu », avait pourtant été bien reçu les rares fois où il avait consenti à se déplacer mais je crois que c’était une sorte de jalousie devant l’accueil qui m’était fait en tant qu’enfant du village malgré les années passées sur le continent et lui se sentant étranger à cette vie qui avait été la mienne avant qu’on ne se rencontre.
Cette fois-ci s’en était assez, de la menace je passai à l’action. Grâce à internet je pus faire rapidement une réservation sur le premier bateau qui partait via Bonifacio, pour ma petite voiture et moi-même.
La traversée se passa sur une mer d’huile et nous débarquâmes à 7 h du matin sur le port de Bonifacio. Mon hôtel était réservé à Ajaccio pour le soir et je pouvais passer la journée dans la ville à faire la touriste sans me presser, juste deux heures de route me séparait de ma première étape en Corse.
En fait moins de cent cinquante kilomètres me séparait d’Ajaccio, mais en Corse j’avais appris à mes dépens, qu’il était plus prudent de calculer en temps plus qu’en kilomètres. Je me sentais libre et j’humais avec bonheur le parfum iodé de la mer qui arrivait jusqu’à moi sans penser un seul instant aux embûches que je pourrai rencontrer en chemin.
Bonifacio est perchée face à la mer, sur une falaise. Le port est situé au fond d’un fjord et côtoie la verdure des alentours, la mer d’un bleue turquoise vient frapper inlassablement le pied des falaises. Sur les quais, après avoir découvert l’Eglise Saint-Erasme je me dirige vers la citadelle par la montée Rastello et c’est par la porte de Gênes que j’accède à la ville haute. Il y a tant à voir : caserne génoise, place d'armes, le puits Saint-Barthélemy...que mes jambes commencent à fatiguer.
Je remets à l’après midi ma promenade dans les ruelles de Bonifacio pour découvrir l'église Sainte-Marie-Majeure, le Palazzu Publicu, la place Manichella et sa vue superbe sur la mer, les falaises et la Sardaigne. Ma montre m’indique midi passé et je décide d’aller déjeuner dans un des nombreux restaurants qui offrent d’agréables terrasses, propices à une pause et qu’on trouve sur les bords du port.
Après le sentiment de liberté qui m’avait envahi ce matin en débarquant, je commençais à sentir quelques regrets de ne pouvoir partager cette journée avec mon mari. Je chassai ces pensées un peu tristes et après un agréable repas je repris mon tour de ville. Nous n’étions qu’au mois de mai et ce n’était pas encore les longues journées d’été, aussi vers dix-huit heures, je décidai d’arrêter ma visite de Bonifacio et sagement de me diriger vers la route nationale. Mon premier point de repère sur la carte était Propriano puis Olmeto, soit environ quatre-vingt kilomètres avec quelques cols à passer.
Je ne pus résister à la vue des plages du côté de Propiano ou je m’attardai plus que de raison, la nuit commençait à tomber lorsque je réalisai qu’il était temps de me dépêcher, d’autant plus que du côté de la montagne arrivaient de gros nuages noirs.
La RN 196 ne longe pas souvent le bord de mer, mais se situe plus à l’intérieur des terres, au milieu des cistes et le maquis et c’était particulièrement le cas pour la portion de route que j’empruntai pour aller sur Ajaccio via Petreto-Bicchisano.
Un premier éclair au loin me surprit provoquant un mouvement de panique d’autant plus que les orages m’ont effrayé de tout temps. Je ne pouvais accélérer plus car la route ne s’y prêtait guère, un second éclair m’éblouit brutalement, accompagné de quelques grosses gouttes sur mon pare-brise.
Toute mon attention se concentre sur le bord de la route et les petits ponts sans parapet qu’il faut franchir. Nous avions déjà fait cette route à deux mais là il me fallait bien l’admettre qu’elle me semblait beaucoup mois sympathique par mauvais temps et alors que j’étais seule.
A SUIVRE....