- Mamie, mamie raconte-moi tes amours !
La jeune adolescente de quinze ans, a choisi le jour anniversaire des quatre-vingt-dix ans de son arrière-grand-mère, pour essayer d’obtenir quelques histoires qu’elle espérait croustillantes, sur un passé dont personne n’avait jamais parlé. Jeanne s’était mise un peu en retrait et regardait avec amusement l’échange entre ces deux générations.
- Mes amours, mes amours …comme tu y vas
- Mamie je ne te demande pas le nombre, juste celle qui a le plus compté pour toi, aller s’il te plait !
Allait-elle répondre à la demande de son arrière-petite-fille, toute pudeur oubliée ? Etait-ce l’effet du champagne ou les souvenirs qui avaient besoin d’être racontés enfin après tant d’années de silence, qui faisaient pétiller les yeux de l’aïeule de ces lueurs malicieuses ? Jeanne l’a vit fermer un moment les yeux pour mieux se souvenir… ou bien la fatigue de la journée se faisait-elle sentir ?
- Mamie s’il te plait !
- Un peu de patience jeune fille, à défaut d’inventaire laisse-moi un peu me concentrer !
Le silence s’installât sur la terrasse ou elles s’étaient réfugiées, les jambes de l’adolescente s’agitaient d’impatience mais si elle voulait obtenir son histoire il fallait savoir attendre la confidence tant attendue.
L’aïeule avait divorcé très jeune d’un mari volage, qu’elle avait pourtant continué à aimer malgré son divorce. Cadre dans une grande société, elle avait mené sa vie au pas de charge sans qu’aucun autre homme ne prit une place officielle dans son quotidien.
- C’était dans les années soixante-dix ….
Les yeux fermés elle essaye de concentrer sa mémoire sur ce qu’a été sa vie amoureuse, assez libre pour l’époque il faut bien l’avouer. Je ne vais quand même pas raconter se dit-elle, à cette gamine délurée et bien de son temps, ce que je me suis toujours refusé à raconter à ma famille et mes amis ? Oui je le confesse, j’ai été ce qu’on appelait une « amoureuse » en avance sur mon temps. L’amour que j’avais éprouvé pour ce mari avait mis à mal mon cœur et ma fierté.
Comment avait-il pu me tromper avec cette amie diaphane ? Jamais je n’avais pardonné et je ne m’étais plus dès lors imposé d’interdits j’en conviens, frondeuse oui, et amoureuse lorsque l’occasion se présentait mais dans la discrétion .Après lui il ne pouvait y avoir de place prépondérante pour un homme dans ma vie et pourtant je les ai aimé, de façons différentes, souvent passionnément mais limité dans le temps. Mes mutations professionnelles me permettaient de rompre avec élégance et sans traîner de boulets derrière moi.
A propos de mutations Troyes c’était en quelle année ? Il y avait eu Paris, puis Caen, puis un retour dans le sud, parfois c’était le grand écart et puis …oui Troyes ça devait être dans les années soixante-dix. Une soirée d’accueil avec tous les cadres étaient organisée chaque fois, et ce soir-là je serrai beaucoup de mains qui me souhaitaient la bienvenue.
Non je n’ai rien ressenti lorsque ça été son tour, ni laid ni beau, ni grand ni petit, il était juste au milieu des autres. Il s’appelait comment ? Zut je ne m’en souviens plus… Dominique peut être ? Non Gérard…Adrian, oui c’est ça Adrian, comment ai-je pu oublier, les prénoms m’échappent de plus en plus !
J’ai les yeux mi-clos mais je vois bien ma petite peste chérie s’impatienter, je ne peux pas me lancer dans mon récit sans en contrôler une partie quand même ! Autant qu’il me souvienne, la soirée se passa comme d’habitude, mi- coincée, mi détendue. J’appris dans les jours qui suivirent que j’étais appelée à collaborer avec Adrian sur un même projet.
- Mamie houhou !
- Oui ma chérie je ne t’oubli pas rassure toi …donc c’était dans les années soixante-dix et je venais d’avoir quarante ans…
A suivre...