Ondine n’avait pas assez de son sac à mains pour y enfouir toutes les pensées qui lui traversaient l’esprit à longueur de journée et pourtant c’était un très grand sac qui surprenait compte tenu de sa taille à elle, relativement petite. Drôle d’idées me direz-vous de mettre ses pensées dans un sac mais comment faire puisque sa tête était déjà si pleine !
Elle n’avait qu’une dizaine d’années à l’époque mais son esprit curieux lui avait fait déjà découvrir tant de choses. Dès l’âge de trois ans sa phrase préférée à tout ce que disaient ses parents était : pourquoi ? Et chaque fois que l’on donnait les explications qu’elle souhaitait, elle la mettait dans une case de sa tête. Aussi particulier que cela puisse paraître, à sa naissance, on s’était rendu compte que son cerveau était fait de cases bien alignées.
Vint un moment ou toutes les cases furent pleines et alors là Ondine ne sut plus quoi faire. Pendant des jours et des jours elle resta prostrée, refusant toute nourriture et elle mouilla tant et tant de mouchoirs, qu’un jour sa mère en eut assez et lui donna un grand chiffon pour essuyer ses larmes.
Ondine regarda ce chiffon avec surprise et elle se mit à lui parler dans un langage que son entourage fut dans l’impossibilité de comprendre. Et le miracle se produisit, elle retrouva son sourire en même temps qu’elle rangea le chiffon dans son sac. Ce manège dura pendant de nombreuses années et le sac grandissait en même temps qu’elle avançait en âge mais il devenait de plus en plus lourd à porter. En fait, chaque fois qu’une pensée la perturbait elle l’effaçait de sa tête et la confiait à son chiffon. Qui le dit chiffon, ne trouva rien de mieux à faire que d’enfouir les pensées au fond du sac à mains.
Le sac, un jour en eut assez, lui non plus n’aimait pas certaines pensées et trouvait que le « chiffon à pensée » le prenait vraiment à son aise. Il résista tant qu’il put le pauvre, mais trop c’est trop. Toutes ces pensées se transformant en poussières le firent tousser si fort un jour de printemps, période propice aux allergies comme chacun le sait, qu’une tornade blanche s’envola malgré lui vers le pré voisin couvrant les feuilles des arbres, d’une pellicule blanche semblable à de la neige.
C’est alors qu’Ondine réalisa que son chiffon magique, son confident, qui effaçait les pensées tristes ou désagréables de son esprit c’était bien mais pas suffisant et qu’au lieu de prendre un sac de plus en plus grand il valait mieux après chaque pensée supprimée, juste secouer bien comme il faut son chiffon pour qu’il n’en reste plus de trace nulle part. En fait, ça ne sert à rien de garder les choses inutiles se dit-elle et c’est ainsi qu’elle reprit un sac[1] adapter à sa taille et elle put ainsi continuer à utiliser son « chiffon à pensées » sans autre inquiétude.
[1] Une question persiste cependant dans l’esprit d’Ondine : que doit contenir un sac à mains de femme en plus du chiffon à pensées ?