Photo: http://steve-c-foto.fr/informations/plusdephotos.php
Nous sommes à la mi-octobre, la journée est chaude et ensoleillée. Je redécouvre le village de mon enfance et ses environs aux tons d’automne. J’emprunte le sentier qui grimpe vers le moulin à eau, près d’une rivière et au pied du village voisin : A Riventosa. Le A qui précède le nom, j’imagine, peut être traduit en français par La Riventosa, car « on va » ou on habite « à A …suivi du nom » et ceci étant valable pour de nombreux villages en Corse.
Je ne suis plus aussi leste que du temps de ma jeunesse et j’ai besoin de faire une pause sur le chemin ce qui me permet de redécouvrir de loin mon village. Jeune femme, j’avais cru avoir tourné une page, la vie dans l’île m’angoissant un peu, il faut dire que je l’avais « découverte » en pleine guerre, pourtant plus je vieillis et plus j’ai besoin de me réchauffer à mes souvenirs.
Le moulin est toujours là, sur les rives du « Misognu », tel que dans mes souvenirs l’eau de la rivière chante dans sa roue. Le blé, le maïs et les châtaignes y arrivaient des villages voisins à dos d’ânes pour être moulu. Il a cessé son activité dans les années 60 mais j’entends pourtant encore autour de moi l’animation qui y régnait dans mon enfance, il me suffit de fermer les yeux.
Je reviens sur mes pas, non sans faire de nombreuses haltes pour ramasser ces petits cyclamens en pleine floraison. De chaque côté du sentier ce n’est qu’un tapis de fleurs et je ne sais y résister.
Les bogues des châtaigniers sont à maturité et le brou des noix s’écartent pour laisser apparaître les coques. Ce brou me ramène aux rentrées scolaires du début octobre ou nous présentions à notre petite école les doigts bien maculés, ce qui n’était pas du tout du goût de notre institutrice.
Mes pas maintenant m’entraînent sur ce petit sentier où dès le fin des cours nous nous élancions, quelques soient les saisons, vers le pont des Sorcières. En fait de l’autre côté de ce pont, après avoir traversé la rivière, se trouvaient des vergers et moult baies comestibles sur le chemin, nous y trouvions toujours quelque chose à grappiller ayant le goût du fruit défendu ! Nous n’y avons jamais rencontré de sorcières et j’avoue avoir oublié le nom de ce petit pont qui enjambe la rivière jusqu’à aujourd’hui en revoyant ce « pagliaghju » (fenil) de pierre à moitié démolie ou vivaient hommes et bêtes. La légende disait que les trois femmes qui y vivaient à une époque lointaine, avaient des dons particuliers pour soigner « le mal ».Si on avait recours à elle en désespoir de cause, s’en n’était pas moins avec une certaine peur. On les consultait plus spécialement pour conjurer le « mauvais œil » avec une prière qui ne s'apprend qu'oralement, et se transmet de génération en génération, de mère à fille, uniquement la nuit de noël à minuit.
Il est temps de faire demi-tour et de retrouver ma famille car aujourd’hui nous fêtons un anniversaire : « Elle » ? C’est ma sœur aînée mais aussi ma mère de cœur. C’est celle qui m’a accompagné petite fille et qui a toujours été présente à mes côtés plus tard dans les moments de peines ou de joies et qui le continue encore, alors ne l’a faisons pas attendre, 90 ans c’est quelque chose quand même, comment aurais-je pu ne pas être là pour ce jour particulier !
14 octobre 2012