Etiennette s’activait de bon matin ! C’est que nous sommes déjà le 4 décembre et elle avait tant à faire avant la veillée de noël. La période « calendale » commençait ce 4 décembre et ne se terminera que le 2 février, le jour de la chandeleur. Elle tenait à ces traditions provençales et ce n’est pas à son âge qu’elle allait changer.
Si le blé planté le jour de la Sainte Barbe pousse haut et vert, l’année sera prospère pour toute la maison disait sa mère et sa grand-mère et pour rien au monde elle n’aurait oublié. Comme il fallait un peu de renouveau d’une année sur l’autre, elle choisit trois coupelles qui n’avaient jamais servi, (c’est qu’il y en avait de la vaisselle et du linge dans ses armoires qui lui venaient de famille), un peu de coton, le blé qu’elle avait mis à tremper la veille et elle commença son semis.
Ensuite elle chercha un coin bien éclairé mais sans que le soleil arrive dessus pour qu’il ne dessèche trop vite le blé. La mercière lui avait vendu un beau ruban rouge qu’elle mettra autour du blé lorsqu’il aura poussé assez haut. Pour le moment il allait dormir dans le tiroir du buffet provençal pour qu’elle puisse le retrouver facilement le moment venu.
Le soir de noël les trois coupelles, prendront place sur la table pour le gros souper. Pour le rappel de la Trinité, la table est recouverte de 3 nappes blanches, celle du dessous étant la plus grande, la deuxième un peu plus petite et la 3eme plus petite que la seconde( après chaque repas du 24 et 25 décembre on enlevera une nappe). 3 chandeliers blancs allumés et les 3 soucoupes de blé germé de la Ste Barbe compléteront la table.
Les traditions évoluent avec le temps dans les familles en ce qui concerne le gros souper qui était servi avant de se rendre à la messe de minuit mais Etiennette y tenait encore. Certes les messes avec les crèches vivantes dans sa région attiraient beaucoup de monde ce soir-là, mais de la symbolique du repas se disait-elle il n’en restait plus grand-chose. D’ailleurs elle-même avait besoin de se rafraîchir la mémoire en ressortant son petit cahier d’écolier qu’elle avait commencé alors qu’elle n’était qu’une gamine.
Le gros souper est paradoxalement composé de 7 plats maigres en souvenir des 7 douleurs de Marie, il est servi avec 13 petits pains suivi des 13 desserts représentant la Cène avec les 12 apôtres et Jésus. Les plats maigres diffèrent d'un coin de Provence à l’autre. Pour sa famille cette année elle a préparé son menu : gratin de carde, l'anchoïade et son céleri, épinards et morue, sans oublier la soupe à l'ail … et les treize desserts seule signe d’abondance.
Les treize desserts sont dégustés au retour de la messe, ils resteront sur la table pendant les 3 jours suivant :
- les 4 mendiants, figues sèches, amandes, raisins secs et noix,
- les dattes,
- les nougats, noir et le blanc
- la pompe
- la pâte de coing
- les fruits frais : mandarines, oranges, poires, raisins et melons d'hiver …et le vin cuit !
Activons, activons Etiennette, il n’est plus temps de rêvasser il reste tant à faire. Il est temps de se préparer pour aller faire un tour sur le marché de noël et comme toutes les années acheter un ou deux santons pour compléter la crèche. Heureusement que la maison dispose d’une grand pièce avec une cheminée où se réunira la famille car d’une année sur l’autre la crèche prend de plus en plus de place pour le bonheur des petits et des grands et il ne faudra pas oublier "le cacho-fio" ce soir là...bon on y pensera demain.
Bonnet, écharpe, gants, en route le temps presse…