Églantine allait nez au vent dans cette ville qu’elle découvrait en cette belle journée de printemps. La température était douce, elle se trouvait maintenant dans un quartier ou presque toutes les maisons étaient agrémentées d’un petit jardin, constructions des années 1900 elles avaient toute une âme différente. Était-ce l’usure du temps sur la pierre, qui leur donnait à chacune un style bien
défini ? La douceur précoce de cette année activait une végétation qui promettait une belle floraison et les jardins retenaient Églantine parfois plus que la discrétion l’aurait voulu.
Églantine était peintre à ses heures, oh pas un grand peintre non juste un peintre pour le plaisir de tout oublier un instant et de se perdre dans la toile. Les maisons et les portes en bois la fascinaient. C’est en passant dans une ruelle peu fréquentée qu’elle découvrit une porte en ogive entrebâillée au fond d’un passage, elle ne résista pas à la curiosité de découvrir ce qui se cachait au-delà.
Elle s’avança dans ce passage vouté et empierré après s’être assurée qu’il n’y avait âme qui vive. Le silence qui régnait dans ce lieu lui faisait penser au patio des cloîtres, un silence particulier qui vous apaise, serein. Dès qu’elle eût franchi la porte elle fut éblouie par le soleil éclatant dans le jardin. Un olivier prenait toute la place sur le deuxième espalier, alors qu’une treille offrait son ombrage sur le côté gauche de l’entrée. Le banc installé en dessous invitait à une pause pour admirer l’enchevêtrement des plantes qui avaient poussées sans qu’une main d’homme leur donne un chemin de développement.
Églantine grimpa sur un tronc de bois au pied du premier espalier ou « bancaou * » comme on dit dans le midi pour pouvoir grappiller quelques groseilles. Loin de donner une impression d’abandon ce jardin respirait la joie et la bonne humeur : les rosiers et leurs longues branches flirtaient avec les marguerites, le thym se penchait dans un doux murmure sur la lavande, la menthe se hissait sur la pointe de ses pieds pour dépasser la sauge, les iris se redressaient fiers d’être les premiers à fleurir et le lilas laissait ses fleurs se faner dans un joli tapis mauve et blanc, aux pieds des dahlias qui pointaient à peine leur nez.
Baudelaire a écrit « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté » non ici « tout n’est que désordre » se dit Églantine mais quel calme et quelle volupté !
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*(Terrain remblayé et aplani, soutenu grâce à un muret de pierres sèches, pour la culture à flanc de colline)