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Ange

 

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  Ange vivait depuis de nombreuses années dans un pagliaghju (fenil) qu’il avait aménagé sommairement en habitation. IL en avait hérité d’un grand-oncle sans enfant,  qui avait été sensible au fait qu’il portait le même prénom que lui. En Corse, le prénom qu’on donnait à un enfant,  était un véritable héritage familial et permettait de ne pas oublier ses racines.

   Ange était un enfant sauvage, et dès qu’il avait pu il avait fui le giron familial pour aller s’établir dans  ce petit village presqu’abandonné, dans la montagne au nord de l’ile. Les « baboni » et mamo (grand-père et grand-mère), les souches disparaissaient les uns après les autres, et les jeunes ne venaient pas s’y installer  les terres étant trop arides et la vie difficile. Ce village avait pourtant abrité une population importante mais il avait été déserté petit à petit avec la crise agricole. Une nouvelle agriculture en plaine et l’attrait du continent avaient été la conséquence d’une immigration vers des cieux plus cléments.

   Cette vie solitaire dura de nombreuses années, Ange partant de bon matin sur son âne retrouver ses chèvres qui vivaient libres dans un champ, qui faisait partie de l’héritage. Dans sa musette avec sa collation il emportait toujours un livre, qu’il louait à la ville voisine ou il se rendait une fois par mois. Il choisissait un livre assez volumineux pour ne pas avoir à y retourner plus souvent.  

   Vint le moment où il se dit qu’il était bien seul, et il commença à envisager de trouver femme à sa convenance. Sa réflexion, « tantôt oui, tantôt non » dura tant et si bien qu’il avait dépassé la cinquantaine lorsqu’il se décida enfin à franchir le pas. Il avait élu domicile au 1er étage du fenil et dans un premier temps il fallait qu’il chasse les poules qui continuaient à venir picorer au rez-de chaussée. Il fallait aussi trouver un endroit pour faire dormir son âne, bah il allait le mettre dans le petit enclos attenant et l’hiver venu il aviserait. Il s’attela à un ménage qu’il avait ignoré toutes ses années, sa vie se passant surtout au grand air, parfois dans la montagne ou dans les prés voisins suivants les saisons.

   La tache fut rude par manque d’habitude, repoussant encore dans le temps le fait de s’enquérir d’une épouse. Enfin les choses prenaient place mais encore fallait-il savoir ou chercher l’oiseau rare. Il décida d’aller trouver Doumè, le seul patriarche encore valide du village, du moins de la tête, pour lui demander conseil. Il choisit une nuit tombante pour ne pas donner matière à extrapolation aux derniers habitants du village.

   Toute timidité vaincu après avoir bu d’un trait l’acqua vita (eau de vie) distillé en cachette des gendarmes, que son hôte lui proposa, il se lança :

   - Doumè il me faut trouver femme avant qu’il ne soit trop tard et je ne sais où chercher

   - Doumè tira sur sa pipe et réfléchit un long moment, le temps devint lourd dans la pièce et Ange commençait à s’impatienter, mais il savait que s’il voulait  obtenir une réponse il fallait qu’il garde le silence. Enfin il entendit une voix :

   - Petit, tu sais que la mer nous prend souvent nos marins, alors après avoir bien réfléchit et analyser la situation je ne vois qu’un endroit où tu pourras trouver femme, pas une jeune fille oh non mais une veuve pour t’accompagner dans ta fin de vie.

   - Doumè dis-moi, je me contenterai bien d’une veuve, les jeunes filles de nos jours ne voudront jamais d’un berger comme moi

   - Il te faut descendre sur l’Ile Rousse. Tu sais qu’on raconte que certains marins avaient le pouvoir de « couper la vague » avec leurs prières mais cela n’empêcha d’en voir périr beaucoup. Les femmes vont souvent sur le port espérant voir revenir au matin une barque et on les voit rentrer encore plus tristes chaque jour, le foulard noir sur la tête, tirer un peu plus sur le visage pour cacher les larmes.

   - Merci Doumè, demain je te confie mes chèvres. A l’aube je serai parti sur mon âne ou tu sais, après avoir mis mon costume de velours et mes guêtres et à la volonté de Dieu ! …

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M
<br /> Un joli texte, un beau décor en Corse et l'envie d'en savoir davantage...<br />
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J
<br /> Bonne chance Ange.... Il ya tjs une âme soeur quelque part !  Bisous Eglantine<br />
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M
<br /> Il n'est jamais trop tard pour trouver le bonheur....<br /> <br /> <br /> Bonne fin de journée - bisous<br /> <br /> <br />  <br />
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M
<br /> et alors, et alors et alors????la veuve est arrivée, éé, sans se presser , éé....<br />
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