Mon père aimait les promenades l’été dans la montagne, le matin avant que le soleil ne se lève. Pendant les vacances j’adorai l’accompagner pendant que maman restait à la maison et nous faisait mille recommandations.
Le départ se faisait dans le village encore endormi, nous traversions un premier pont qui enjambait une petite rivière, nous remplissions pour le trajet, à la fontaine toute proche nos gourdes d’une eau fraîche qui arrivait directement de la montagne, pour surgir ensuite au milieu des châtaigniers. A moins d’un kilomètre, de suite après avoir passé un deuxième petit pont de pierres, nous pouvions emprunter le sentier qui longe la rivière et qui nous menait ensuite jusqu’au lac.
L’eau clapotait joyeuse sur les gros rochers, parfois elle se recueillait dans des cuvettes et pendant que mon père pêchait les truites à la main, pratique tolérée à l’époque, interdite depuis, j’en profitai pour prendre un bain dans cette eau si pure et rafraichissante en ayant soin de grimper un peu plus à l’écart pour ne pas effrayer les poissons.
Nous reprenions ensuite notre course, sautant de pierre en pierre, glissant parfois sur celles particulièrement mouillées, avec pour nous accompagner, la chanson de l’eau. J’étais comme hypnotisée par la musique de l’eau bouillonnante et qui venait mourir sur les rochers mis en travers de sa route. Nous arrivions après quelques heures de marche, là ou la rivière sur sa partie en amont ressemble plus à un torrent par son effervescence et nous y marquions une halte pour nous ressourcer avec les victuailles précieusement préparées par ma mère, en nous désaltérant directement dans le courant, les deux mains réunis pour retenir l’eau qui nous glissait entre les doigts.
Le torrent très sauvage au départ de la source, s’assagissait au fur et à mesure qu’il descendait vers le village, toujours aussi limpide, d’un vert clair transparent. Les enfants passaient de longues heures à s’y baigner ou à se faire dorer sur des pierres plates installées à l’horizontale par le chaos de la nature.
Pas de réseaux d’eau encore dans les maisons au temps de mon adolescence, pas de lavoir non plus, les femmes allaient laver le linge dans la rivière et allaient chercher l’eau pour les besoins de la maison, à l’une ou l’autre source, aménagée en fontaine. Chacun avait sa préférence y trouvant un bienfait particulier mais la source de l’Orezza retenait tous les suffrages, en fait elle n’avait rien de commun avec l’eau vendu sous cette appellation et je ne saurais dire pourquoi elle fut baptisée ainsi.
La Corse est généreuse par ses sources et ses rivières et il n’est pas rare lors de promenades de voir des ruisseaux couler sur les talus ou entre les arbres.
Thème proposé par Andrée DUMAS " L'EAU" :
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